Out there à Londres
Out there, court-métrage de Hervé Constant tiré de « Lettre d’un fou », sera présenté mardi 14 août prochain, entre 18h et 19h, au Festival du film de Portobello (Portobello Film Festival), qui se tiendra à Londres du 1er au 22 août.

Westbourne Studios
242 Acklam Road
London W10 5YG (GB)

http://www.portobellofilmfestival.com
http://www.portobellofilmfestival.com/2007/studios14.html

Nous avons récemment obtenu une interview d’Hervé Constant à propos de son court-métrage. Voici donc les questions que nous lui avons posées, suivies des réponses de l’artiste qui nous a aimablement autorisée à les reproduire dans la revue Maupassantiana.

- N.B. : Pourquoi avoir choisi cette nouvelle de Maupassant en particulier ?
H.C. : Car c’est un récit qui me touche. Voir cet être humain perdre pied avec les choses et les gens autour de lui et devenir de plus en plus isolé dans sa perception de ce qui l’entoure. Il entre dans la rare catégorie de ceux qui voient les choses comme absolues.
Ce long monologue m’a beaucoup intéressé. C’est d’ailleurs pour cette raison que la bande son est une voix enregistrée.
J’aime cette histoire parce qu’elle est éternelle, qu’elle ne se passe durant aucune saison et aucune période historique. Elle peut être jouée et présentée partout et dans n’importe quelle langue. Lors de la précédente projection du film au studio.ra de Rome [en décembre 2006], j’ai été étonné de voir que le public accueillait le court métrage en anglais avec intensité comme s’il n’y avait pas de barrière de la langue. C’était extraordinaire. Sans aucune traduction du texte, ces gens étaient émus par la tension, le drame qui se déroulait, issus des conflits intérieurs du personnage.
Pour moi, c’est une histoire existentielle qui traite des grandes questions de l’univers : Qui sommes-nous ? Que faisons-nous ? Où allons-nous ?
Le personnage de Out there dit qu’en dehors de nous la palette avec laquelle le monde est peint n’est pas simple et unique et que nous devons employer d’autres perceptions pour le réaliser ; que nous devons nous révolter contre les conventions et remettre en question les choses apprises ; que pour comprendre l’absolu, l’extraordinaire derrière l’ordinaire, nous devons modifier nos sens et opérer des changements dans notre pensée conceptuelle.

- N.B. : pourquoi avoir choisi le noir et blanc et un acteur d’un certain âge pour tenir le rôle du narrateur ? un cadre contemporain ?
H.C. : Comme c’est la première fois que je tourne un film de cette longueur, je voulais conserver une histoire simple qui ne nécessitait pas des moyens techniques trop coûteux. D’où un seul acteur, et un seul lieu : un appartement.
Pour moi, le noir et blanc est synonyme d’un état intérieur. C’est pur, alors que la couleur nous ramène à un état présent, est attrayante et distrayante. Je voulais donner à la majorité des prises de vues l’impression d’une sorte de rêve, d’un lent monologue intérieur. Je souhaitais que les spectateurs se sentent, si l’on peut dire, en position de témoins suivant un voyage mental. J’aimerais qu’ils soient touchés et intéressés comme moi par le voyage de cet humain anormal dans la logique même de la plupart des gens – parlant un langage du cœur.
En ce qui concerne l’âge de l’acteur, il était important pour moi d’avoir quelqu’un de profond qui montre une expérience de la vie, qui puisse exprimer avec maturité une connaissance de soi, par conséquent de montrer sa situation difficile de façon plus poignante.

- N.B. : pourquoi ne pas avoir fait parler l’homme devant la caméra ? Ses lèvres bougent à un moment du film, n’est-ce pas ?
H.C. : Oui. On voit ses lèvres bouger plus d’une fois. Je demanderai sans doute à l’acteur de parler face à la caméra quand je tournerai à nouveau le film. Le voir parler d’un sujet pendant qu’on entendait une voix-off différente venant de lui ou d’une bande son me plaisait.
Entre des prises de vues, alors que l’on parlait de choses et d’autres, je me suis aperçu qu’il ne posait plus et dès lors j’ai fait quelques prises en ayant en tête d’en inclure certaines pour le film. Mais comme il ne parlait pas de sujets en relation avec le personnage, je n’ai gardé que les yeux et le regard. Car ces prises là étaient beaucoup plus humaines. Rien à voir avec un acteur.

- N.B. : La séquence du miroir sans reflet est quelque peu écartée. Est-ce pour ne pas tomber dans le surnaturel et limiter ainsi les manifestations du malade à un dérangement intérieur ?
H.C. : Au début, j’ai sérieusement pensé inclure des images surnaturelles dans la scène du miroir. Mais rapidement, je me suis dit qu’il valait mieux que les images décrites par le personnage de Out there soient suggérées et recréées par le public lui-même plutôt que de les lui imposer dans le film.
Personnellement, je pense que le défi de l’artiste qui crée un objet (film, livre, tableau, etc.) est de laisser des espaces à l’intérieur de l’œuvre pour que le public les remplisse selon ses impressions.
Pour moi, la création artistique est une relation humaine ; elle doit être un échange et le talent n’est pas seulement de montrer, mais plutôt de permettre au public de découvrir par lui-même. C’est ce qui m’est arrivé avec l’œuvre de Maupassant. Je suis respectueux envers elle, étant donné qu’elle m’a permis, selon moi, de cheminer avec l’auteur et d’y ajouter, en toute modestie, quelques touches personnelles. »